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« OKAY OKAY LEZGO LEZGO JE SUIS RENTRÉ EN PLEIN BURN-OUT » est un mélange de genres et d'univers. Ce mélange était-il volontaire, à la lumière du titre de ton précédent EP ?
Ouais, ce mélange était totalement volontaire. Je voulais vraiment casser mes habitudes, explorer d’autres choses. Pour moi, être rappeur, c’est être capable de poser sur différents styles tout en gardant une essence rap. J’avais besoin de me prouver que je pouvais le faire.
Cet EP, je l’ai appelé comme ça parce que j’étais vraiment en burn-out. J’arrivais plus à écrire, plus à penser, parce que je passais mon temps à bosser sur les projets des autres au lieu des miens. Alors je me suis dit : si t’arrives plus à créer, change d’univers, ouvre-toi à d’autres choses. Et c’est ce que j’ai fait. Paradoxalement, c’est en étant en burn-out que j’ai réussi à créer, et ça, c’est un truc de fou.
Le choix des instrus a été un vrai challenge, surtout sur certains morceaux. Le son house, par exemple, était particulièrement compliqué. À l’inverse, le dernier morceau, “Du Bouillon” (je crois), s’est imposé naturellement.
Bref, ce mélange, il était voulu, et je suis hyper content des retours. Ça me fait kiffer de voir que ça parle à un nouveau public et que ça commence à prendre.
"Maison Music a eu l’opportunité d’écouter ton prochain EP (MERCI POUR TOUT.) en avant-première. Il semble être une sorte de catharsis après une rupture. Comment cette expérience personnelle influence-t-elle ta musique et ta manière de créer ?"
En fait, créer a toujours été une extension de ma vie privée. Il n’y a pas vraiment de séparation entre les deux. Ce que je vis au quotidien influence directement ma musique, parce que j’écris avant tout quand je ressens des émotions.
J’irais pas jusqu’à dire que c’est une catharsis, c’est plus une façon de tourner la page. J’en avais besoin, parce que… parce que j’en avais besoin.
Cette rupture n’a pas juste influencé l’EP, elle en est le fil conducteur, imprégnant chaque texte, chaque mélodie et l’énergie que j’y ai insufflée.
Peux-tu nous parler du processus créatif derrière la construction de cet EP ?
Pour cet EP, à la base, je devais écrire le Deluxe du précédent projet. Mais après sa sortie en septembre, j’ai vite réalisé que je n’arrivais pas à écrire. Il y avait une histoire qui n’était pas encore terminée de mon côté, et ça bloquait complètement la construction du Deluxe.
L’EP que j’avais sorti parlait du burn-out. Même s’il était dansant, je n’arrivais pas à avancer, ni à écrire, ni même à penser à quoi que ce soit de nouveau. Cette histoire inachevée me pesait.
Puis, en janvier, j’ai lâché un "nique, j’ai besoin d’écrire sur ça", c’était une évidence. Il fallait que je parle de cette histoire qui venait tout juste de se terminer, après quatre ans. À partir de là, tout s’est fait très instinctivement. Comme d’habitude, j’ai choisi mes instrus en sachant exactement sur lesquelles je voulais poser. J’ai cette chance d’être un artiste qui a confiance en ses choix et qui sait où il veut aller dès le départ.
L’idée d’avoir une femme qui interprète un son, d’incorporer de la jerk, tout ça s’est imposé naturellement. Rien n’était forcé, tout coulait de source.
La direction artistique semble être un élément central de ton travail. Comment cette approche visuelle a-t-elle évolué au fil de ta carrière ? As-tu des références particulières, ou est-ce vraiment du Rannel tout court ?
Oui, la direction artistique, c’est un élément essentiel de mon travail.Quand j’ai découvert le rap, un truc me frustrait énormément : voir des artistes sans clips. Ça me cassait les couilles de les écouter sans pouvoir associer leur musique à une vraie imagerie. Très tôt, je me suis dit que si un jour je devenais artiste, je ferais en sorte que chaque morceau ait son propre univers visuel. Je crois que j’avais 11 ou 12 ans.
À l’époque, je regardais énormément de clips : Kanye, Eminem, ce qui passait sur W9, tout ce que je pouvais voir quand j’étais chez ma mère et qu’elle travaillait. J’ai accumulé toutes ces références en creusant sur YouTube, en regardant la télé et en me frustrant face aux artistes qui n’avaient pas d’images pour accompagner leur musique.
Aujourd’hui, je suis artiste et je mets un point d’honneur à construire ma propre DA, à tout imaginer et à tout façonner moi-même. J’ai évidemment des références, mais elles sont trop nombreuses pour être citées une par une. Ce qui est sûr, c’est qu’elles ont toutes contribué à faire de moi l’artiste Rannel que je suis aujourd’hui.
"NOS COMO ELLOS" réalisé par Nathan Rajaofera & Rannel
Le contrôle total sur ton univers est essentiel pour toi. Est-ce que cela a déjà créé des conflits ou des défis, surtout en collaboration avec d'autres artistes ou professionnels ?
Le contrôle total, c’est un grand mot, mais le contrôle de mon univers, oui, c’est essentiel pour moi.
Et forcément, ça a déjà créé des conflits. Je suis encore un jeune artiste, ça fait même pas deux ans que mes sons sortent, donc oui, j’ai été confronté à ça. Avant de sortir ma musique, j’ai bossé avec certains clippers, beatmakers, et surtout des ingés son. Et quand t’es au début, que t’as rien sorti et que t’es encore "personne", beaucoup veulent t’imposer leur vision, même quand toi, tu sais déjà où tu veux aller.
J’ai souvent eu l’impression que certains cherchaient plus à mettre en avant leur taf qu’à construire une vision commune. C’est ce qui m’a poussé à tout faire moi-même. Aujourd’hui, c’est plus simple pour moi d’affirmer mon univers, parce que j’ai la main sur tout : le mix, le master, la DA des clips, la réal, le montage, la colorimétrie….Bien sûr, j’ai eu des gars qui m’ont aidé.
Je pense à 404, Young Mamba, et d’autres qui ont contribué à façonner tout ça. Ces deux-là, en particulier, sont essentiels dans mon process : ils m’aident à mettre en avant mon univers tout en valorisant leur travail.Après, est-ce que ça crée des conflits en collab avec d’autres artistes ? Franchement, non. Depuis que je fais tout par moi-même, c’est les gens qui veulent se greffer à nous, et non l’inverse. Ça facilite les collaborations, parce que quand quelqu’un vient bosser avec moi, c’est qu’il kiffe déjà mon univers. Si ce n’est pas le cas, il ne viendra tout simplement pas.
Le plus gros défi, c’est de réussir à mélanger mon identité artistique et celle des autres, pour que ça fonctionne des deux côtés. L’objectif, c’est que quand on regarde un clip ou qu’on écoute un son, on puisse se dire : "Putain, incroyable ce mélange des deux univers !"
Tu sembles accorder une grande importance à la séparation entre ta vie professionnelle et artistique. Comment cette distinction t’aide-t-elle à maintenir un certain équilibre mental ?
Franchement, c’est ultra contradictoire ce que je vais dire, mais oui, j’accorde une grande importance à la séparation entre ma vie professionnelle et artistique.
En réalité, je veux juste montrer une partie de mon histoire : celle qui me marque le plus, celle qui transmet le plus d’émotions au public. Le reste, je préfère le garder pour moi. Je sais que je suis quelqu’un d’assez particulier, avec un humour parfois borderline quand je suis avec mes potes.Après, être artiste, c’est déjà un paradoxe en soi. L’équilibre mental, tu l’as pas vraiment. Si t’as confiance en toi, tant mieux. Si tu l’as pas, ça peut vite partir dans tous les sens.
Donc, je sais pas si cette séparation m’aide réellement à maintenir un équilibre mental, mais ce qui est sûr, c’est que ça me préserve. Il y a des gens qui ne connaissent que Rannel, et d’autres qui me connaissent dans la vie privée et savent qui je suis vraiment.Je pense que c’est justement ce va-et-vient entre ces deux sphères qui me permet de garder une certaine stabilité. Quand je suis dans ma bulle perso, je déconnecte de l’artiste. Et inversement, quand je suis Rannel, je m’investis à fond dans cet univers sans me sentir prisonnier de ma propre image.
Quel message ou quelle émotion aimerais-tu que ton EP transmette à ton public, en particulier à ceux qui pourraient traverser des épreuves similaires aux tiennes ?
À vrai dire, je ne sais pas exactement quel message donner à mon public, mais s’il y en a un, ce serait celui-ci : apprendre à quitter quelqu’un en bons termes, sans haine, en gardant les bons souvenirs sans s’y accrocher. Parce que c’est ça, le plus dur dans une rupture : ne pas se perdre dans le passé, ne pas laisser les souvenirs nous ramener en arrière.
Pour ceux qui ont vécu une histoire aussi intense, qui ont aimé passionnément, qui savent qu’ils ont laissé partir la femme ou l’homme de leur vie, écoutez cet EP.
On parle toujours de nostalgie quand on évoque une rupture. Mais moi, à travers cet EP, je veux transmettre autre chose.
Pas juste le poids du passé, mais l’envie d’un nouveau futur ouais je crois c’est sa découvrir un nouveau futur.
Avec quel artiste rêverais-tu de travailler ? Et quel sont tes influences ?
J’ai pas de rêve ultime d’artiste avec qui bosser, mais y’a plein de gens avec qui j’aimerais collaborer, que ce soit dans l’underground, le mainstream ou la scène française en général.
Mon objectif, c’est pas juste d’être rappeur, c’est aussi d’être reconnu comme Ghostwriter et producteur de variétés françaises. Dans ce cadre-là, je kifferais travailler avec Iliona, Alpha Wann, Oklou, Madani99… et plein d’autres rappeurs.
Quant à mes influences, j’en ai tellement que c’est compliqué de toutes les citer. Mais si je dois t’en donner quelques-unes sur mon téléphone là, je dirais Lil Yachty, Mairo, MF Doom, Mobb Deep, X-Men… et la liste est longue.
D’ailleurs, beaucoup de mes influences sont aussi des artistes avec qui j’aimerais bosser. Je sais que c’est pas forcément possible, mais si je devais te dire les rappeurs avec qui je veux vraiment travailler cette année, ce serait Mairo, Ricky Bishop, Hjeunecrack, Souley, Implacable et Thahomey.
Finalement, Maison Music, c’est un peu toi aussi, non ?
Je crois bien hyn...